Exaltations optiques géantes dans les systèmes multicouches

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Principal investigators : Myriam Zerrad, Claude Amra

Collaborateurs internes : A. Lereu (RCMO), F. Lemarchand (RCMO), J. Lumeau (RCMO), M. Lequime (CONCEPT)
Collaborateurs externes : PSA groupe/Stellantis, OpenLab Stellab Automotive Motion Lab, J. A. Zapien (City University of Hong Kong), A. Passian (Oak Ridge National Laboratory), LAAS Toulouse (équipes ELIA et MICA), IM2NP (équipe Micro-capteurs et instrumentation)
Doctorants : D. Niu (CIFRE PSA Groupe),

Le confinement de la densité d’énergie électromagnétique dans des volumes de plus en plus réduits demeure un sujet d’actualité à l’échelle internationale. Les applications concernent l’amélioration des capteurs bio-chimiques, la spectroscopie Raman et infra-rouge et les micro-sources (réduction des effets de seuil), mais aussi le piégeage d’atomes et l’information quantique (contrôle de qubit). Dans ce contexte, on trouve de nombreuses architectures pour confiner ou exalter le champ électromagnétique, via des géométries planaires, circulaires ou sphériques, fibrées… Parmi celles-ci, une majorité de composants fait appel à la notion de plasmonique en appui sur des couches minces de métal. Les couches métalliques sont suffisamment fines pour ne pas nuire à l’équilibre interférentiel, et cela permet de bénéficier des phénomènes d’exaltation de champ qui sont à l’origine de la grande sensibilité des capteurs (cas SPR). Toutefois ces exaltations, même si elles sont bien supérieures à l‘amplitude de l’onde incidente, restent modérées (< 2 décades) et souffrent de phénomènes de dissipation & absorption ; par ailleurs, leur positionnement angulaire et spectral n’est pas toujours façonnable ; enfin, on ne trouve pas de réelle étude concernant l’optimisation de ces exaltations de champ.

Principe des admittances nulles dans un système multicouche

C’est pourquoi nous avons recherché de nouveaux degrés de liberté en remplaçant les structures métalliques par des structures multicouches entièrement diélectriques. L’idée première était basée sur la propriété que l’exaltation du champ est inversement proportionnelle à la partie imaginaire de l’indice de réfraction des matériaux en couches minces, de l’ordre de l’unité pour les métaux mais de l’ordre de 10-5 pour les diélectriques ; dans ces conditions, l’amélioration apportée par les systèmes multicouches est potentiellement drastique en régime monochromatique, même si les structures plasmoniques conservent l’avantage d’une d’exaltation plus « large-bande ». Nous avons ainsi repris un travail de synthèse considérable pour démontrer qu’il était possible de contrôler l’amplitude et la position angulaire et spectrale des exaltations dans les structures multi-diélectriques. Ce succès repose sur le principe des couches d’admittance nulle (ZAL) dont nous avons montré la réalité en régime de réflexion totale. Il s’agit là d’un résultat original qui vient prolonger la possibilité d’annuler de façon asymptotique (lorsque le nombre de couches tend vers l’infini) l’admittance dans les cavités résonantes de type Fabry-Pérot utilisées en espace libre. Grâce à ce nouveau concept [CA], nous avons ainsi pu synthétiser des composants dont l’exaltation peut être arbitrairement imposée en amplitude (nombre de décades non borné pour une onde plane), en polarisation, et en positionnement spectral et angulaire. La technique de synthèse a été par ailleurs étendue à des systèmes multi-résonants (plusieurs longueurs d’onde ou angles simultanés), ainsi qu’à des substrats arbitraires (notamment multicouches). Enfin, il est possible de localiser le champ dans le volume du composant ou au voisinage immédiat des milieux extérieurs (environnants).

Limitations intrinsèques et extrinsèques

Les performances de ces composants ne sont pas bornées pour une onde monochromatique (une seule longueur d’onde) et collimatée (une seule direction), ce qui pourrait laisser croire que les seules limitations sont intrinsèques et résultent de phénomènes non-linéaires ou d’endommagement sous flux (analogues au claquage diélectrique), voire d’absorption ou de diffusion. En fait la limitation principale est extrinsèque et provient des bandes passantes d’éclairement (divergence et largeur de raie) ; cette contrainte, trop rarement prise en compte, est cependant inhérente à l’étude des oscillateurs et doit être prise en compte dans le processus de synthèse. D’un point de vue pratique, et tenant compte de conditions acceptables d’éclairement (0,1 mrd de divergence en extrémité de fibre monomode, quelques pm de largeur de raie, indices imaginaires de l’ordre de 10-5), un compromis s’avère indispensable et nous avons montré que des exaltations de 4 décades pouvaient être aisément atteignables [CA]. Ce résultat tient compte également de l’état de l’art des systèmes de contrôle in situ (des épaisseurs) et de dépôt (uniformité de matière incluse) sous vide des systèmes multicouches.

Fabrication, métrologie

Les composants ont été réalisés avec succès par l’équipe RCMO du laboratoire (voir thème composants***), spécialiste notamment des technologies Magnetron Sputtering et Ion Beam Sputtering. Ils bénéficient ainsi de toutes les qualités (compacité, dureté, adhésion, vieillissement, tenue au flux optique, dérive limitée à l’environnement ambiant…) habituellement associées aux couches obtenues par ces technologies, largement introduites dans les systèmes spatiaux par exemple. Nous avons ensuite été conduits à mettre en oeuvre une métrologie originale dédiée à l’étude des systèmes résonants et à la caractérisation des capteurs fonctionnant sur ce principe. Il faut en effet noter que, ces composants étant transparents, il n’est plus possible de rechercher ou suivre un pic d’absorption (cas du SPR) dont la dérive serait liée à une contamination ou pollution à détecter. Une solution consiste à analyser le détail de la déformation du front d’onde à la réflexion, et à étudier l’évolution de cette déformation lors d’une contamination. En termes quantitatifs, il s’agit donc, partant d’un faisceau laser avec une divergence de 0,1mrd, d’analyser la déformation de cette divergence (et notamment un obscurcissement progressif local typique) à la réflexion, puis de suivre en temps réel cette déformation. Le niveau de contamination est obtenu grâce à une fonction de mérite qui minimise l’écart entre la mesure et le calcul du profil spatial ou angulaire du faisceau. On notera ici que le calcul requiert de savoir prédire le détail de l’interaction d’un paquet d’ondes spatial avec une structure multicouche résonante ; en particulier le calcul de la distribution spatiale du champ dans le volume du composant n’est pas immédiat compte tenu des fortes exaltations et requiert un échantillonnage adapté. Les données numériques [Dikai] indiquent une sensibilité à une variation d’indice de 5. 10-6 pour une couche fonctionnalisée de 1nm de contaminant, et de 2. 10-3 pour une modification de substrat dans son ensemble. Ces résultats sont volontairement donnés pour une valeur élevée (pénalisante) du seuil de détection de la fonction de mérite (4%) et ne peuvent que s’améliorer. Nous n’avons pas trouvé de résultat mesuré équivalent dans la littérature scientifique, du moins quand la couche de contaminant est précisée.

Application Capteurs

Ces travaux ont été soutenus par l’Open Lab de l’entreprise PSA, via une thèse CIFRE (N. Dikai, dates**) et un contrat d’accompagnement (montant ?). La nature des travaux demeure confidentielle à ce stade, mais les objectifs concernent globalement les capteurs d’odeur et de virus. Les perspectives scientifiques demeurent ainsi nombreuses. A noter également qu’un important travail de fonctionnalisation a été réalisé en collaboration avec**. Il est également majeur de souligner la valeur ajoutée de la collaboration avec le LAAS Toulouse qui a pris en charge la conception et la réalisation de systèmes de micro-fluidique dont quelques premiers prototypes ont déjà été livrés. Ces systèmes devraient considérablement enrichir la précision et la répétabilité des mesures, notamment par un contrôle accru des taux de contamination. A ce jour ces composants de type ZAL (zero-admittance layer) ont été testés avec succès en « configuration capteur » et ont montré la sensibilité attendue. Un prototype plus élaboré est en cours de réalisation par le LAAS, mais ces actions sont actuellement ralenties par la crise sanitaire.

Analyse quantitative de l’amplification

L’analyse quantitative de l’amplification (ou surintensité) du champ reste un problème ouvert en raison des problèmes de diffusion qui « pompent » et appauvrissent l’exaltation ; on pourrait penser en premier lieu à résoudre le problème inverse qui consiste à extraire cette amplification du champ grâce à la mesure des indicatrices de diffusion dans tout l’espace, à la résonance et en dehors de la résonance. La mesure de diffusion angulaire est en effet possible grâce à notre instrument SALSA, mais les niveaux de diffusion sont si intenses qu’ils sortent du cadre de la théorie perturbative développée au sein de l’équipe pour les systèmes multicouches, et ceci malgré les faibles rugosités (inférieures au nm dans la fenêtre fréquentielle optique). C’est pourquoi, au cours de la période, nous avons développé [Gab] en complément une modélisation exacte (intégrale de frontière) de la diffusion par des structures multicouches à rugosité arbitraire (unidimensionnelle). Cette modélisation constitue également un outil quasi-unique sur la scène internationale, mais les temps de calcul sont considérables et croissent avec le niveau de l‘exaltation qui étend la zone excitée au niveau de l’échantillon (sous forme de « panache »). Ainsi ce modèle, s’il ne permet pas pour l’instant d’atteindre nos objectifs, est en cours d’amélioration & implémentation (voir section **).
Pour conclure, on indiquera l’étude théorique complète qui a été consignée dans notre ouvrage ***[], concernant les résonances à la réflexion totale dans un système multicouche (chapitre **). Cette étude établit avec soin et sans discontinuité le lien entre l’optique en espace libre (résonances en réflexion totale) et l’optique modale (modes guidés), ainsi que l’évolution des exaltations avec la valeur imaginaire de l’indice et l’épaisseur du « gap ». L’analyse théorique s’organise dans le plan complexe autour des pôles et des zéros complexes de la fonction holomorphe qu’est le facteur de réflexion du composant ; nous rejoignons ainsi les travaux théoriques du domaine des composants « non hermitiens ».
On soulignera également que ces techniques d’exaltation trouvent une application directe dans le cas des micro-sources (réduction du seuil d’émission).